Un texte de Frédéric Rein pour 30° Degrés Magazine. |
Pas de quoi impressionner les frères Gentil. Les requins d'Afrique du Sud, ils connaissent? En 2005, ils ont plongé, sans cage ni protections particulières, avec le plus imposant d?entre eux, le grand requin blanc! Dans une forêt d'algues, ils se sont retrouvés entourés de quatre de ces squales d?environ 4 mètres pour près d'une tonne chacun. «Les réserves d'air des bouteilles se sont épuisées quatre fois plus vite que d'habitude ! », se rappellent Cédric et Yanick, en parlant d'un stress nécessaire et vital. « Il s'agit de réagir avec eux comme avec des chiens ! Ne pas faire de mouvements brusques et leur faire face. Il faut leur montrer qui est le patron, même si, en réalité, ce sont eux ! S'ils nous foncent dessus à vive allure, il convient d'en faire autant. Ce comportement inhabituel va les faire douter. Pour les attirer vers nous, on se fait tout petit, puis on déploie les bras et les jambes avant qu'ils ne tentent de prendre leurs repères en nous mordant ! » Un affrontement psychologique duquel les Chaux-de-Fonniers sont sortis vainqueurs, images à l'appui, parvenant même à s'accrocher à la nageoire dorsale de l'un d?entre eux pour se faire tirer sur quelques mètres.
Des rendez-vous avec la faune, mais également avec les hommes. Comme en 2007, dans la province indonésienne du Papua, sur l'île de Nouvelle-Guinée, où ils sont allés à la rencontre de tribus qui vivent encore de la même façon qu'il y a des centaines d?années. A Madagascar en 2003, avec ces paysans et ces pêcheurs du sud de l'île qui utilisent toujours des méthodes traditionnelles, ou encore en Amérique centrale, en 2001, terre des descendants d'Indiens, dont les coutumes restent ancrées dans le quotidien. « Dans nos périples, nous essayons d'allier une dimension humaine, animale et des possibilités de faire de la plongée », précise Cédric Gentil, qui a déjà en ligne de mire un périple dans le bassin amazonien. Les deux frères évitent à tout prix les lieux communs, leur préférant l?authenticité de mondes sans références. « Nous voulons être surpris, et donc arriver à surprendre le téléspectateur là où il n?aurait pas forcément pensé l'être. Nous préparons naturellement nos expéditions depuis la Suisse, mais faisons aussi beaucoup de recherches sur place pour trouver des endroits inexplorés. De ceux qui ne sont pas encore répertoriés sur Internet. C'est ainsi que nous avons plongé à Madagascar dans des grottes englouties. Elles étaient connues, mais n'avaient jamais été visitées. Nous y avons observé de nouvelles espèces, à l'instar d?un poisson aveugle (Typhleotris madagascariensis), alors qu'en Papouasie, on a découvert de nouvelles sous-espèces dans un lac, comme des crevettes rouges ou des poissons gobies. »
En dix ans, qu'est-ce qui a le plus changé dans leurs expéditions ? « Le poids des sacs, certifient-ils. En Amérique centrale, nous étions partis avec un caméscope, alors que maintenant, nos exigences sont nettement plus pointues. On veut de la qualité dans l'image et le son, que ce soit sous l'eau, dans le noir? Comme nous n'avons pas les moyens de faire des repérages avant les tournages, nous devons prendre tout notre matériel. On a aussi gagné en expérience. Il y a 15 ans, nous aurions eu peur d'avancer trop profondément dans la jungle, d'un serpent, et même des gens. A force d'avoir été arnaqués, on sent venir les embrouilles, et l'on repère aussi tout de suite les personnes charismatiques et les lieux photogéniques. Cela nous permet de mieux profiter de l'instant présent, sans pour autant dépasser nos propres limites, que nous avons appris à connaître. » En revanche, leur envie n'a pas changé. Et ils nous prouvent à chaque fois que l?audace d'explorer le monde ne s'arrête qu'à la frontière de notre esprit! "